Polyglossie

Calligraphie chinoise et japonaise - Humeurs d'un polyglotte

mercredi, janvier 24, 2007

Vigueur et santé


健 - La santé, la vigueur.
La leçon de la semaine fut l'illustration de la schizophrénie des caractères chinois. La prof nous fait la démonstration suivant sur l'étymologie de 健 et découvre une symbolique des éléments dans le caractère : L'élément 聿 serait la stylisation du dessin d'une pagode à étages, qui se trouve associée à 廴 pour signifier construire ; en ajoutant la clef 人 le monde chinois aurait associé l'idée de l'homme et de la construction pour désigner la santé, art de construire l'homme correctement et de se construire en tant qu'homme, sans séparer le physique du spirituel.

Le problème, c'est que l'étymologie nous dit autre chose : 聿 représenterait une main tenant un pinceau, associé à 廴 originellement la route, dans une combinaison phonétique 建 qui indique au locuteur chinois la prononciation seulement et signifiant, par usage, construire. Il sert à son tour de phonétique dans 健 qui est donc interprété comme "notion humaine se prononçant comme 建" - sans interprétation particulière des éléments. On voit bien à quel point les interprétations dépendent de celui à qui ont demande l'origine d'un caractère. Il faut savoir s'amuser de ces divergeances, apprendre à reconnaitre de vraies notions culturelles dans ces lectures de symboles, et faire preuve de la même souplesse que les caractères eux-mêmes.

Cette profondeur symbolique, qu'elle soit historiquement correcte ou non, dévoile à celui qui sait observer en silence le regard des Chinois et des Japonais sur le génie de leur écriture. De cette fusion artistique, et donc fort peu inquiète de mèthodologie scientifique, entre l'écriture et la peinture, la dit et le dire, le figuratif et le symbolisme, nait l'ambiguïté créatrice de la calligraphie. Les caractères ont leur propre histoire, et leur propre imagination...

lundi, janvier 15, 2007

Les traits

Une discussion récente sur les subtilités de la réalisation des traits m'a fait réaliser un manque impardonnable sur ce blog : je ne vous ai pas présenté mes traits. Ils sont mes composantes de tout caractère, il n'y a rien d'autre qu'eux, ils sont omniprésents et omnipotents, et pourtant si dociles et polymorphes. Ils forment tout, ils disent tout, et ils sont tout. Un traité de calligraphie composé par un vrai Maitre calligraphe vous donnerait tous les détails, les précisions dont je suis incapables, mais ce ne serait pas mes traits. Je laisse mon imperfection parler pour moi, en gage de sincérité. Alors je prends le risque de dévoiler ma maladresse, et je rassemble en deux images l'ensemble des traits qui composent mon univers.

Le point.
Poser le pinceau en un léger mouvement stoppé immédiatement, faire légèrement glissé sur le côté, vers la droite, en pivotant un peu, et marquer l'arrêt. On peut ensuite soit relever le pinceau bien à la verticale, en ne laissant aucune trace, soit suggérer la direction de l'enchaînement, levant le pinceau de façon contrôlée afin de ne laisser glisser que les derniers poils de la pointe sur le papier. Trois points solidement formés, intenses, le premier arrêtant net le mouvement, les deux autres prolongeant le souffle...

Le trait horizontal.
Poser la pointe du pinceau afin de former un angle de 45 degrés sans pour autant laisser l'encre faire de tache, puis glisser le pinceau fermement, en un mouvement régulier et assuré, marquer l'arrêt, soulever à peine le pinceau en montant légèrement et abaisser avec force et douceur jusqu'à former une belle conclusion au bout du mouvement, puis ramener vers l'intérieur en soulevant le pinceau et terminant le mouvement en l'air.

Le trait vertical.
Celui de droite est bien planté, avec un arrêt final. Le deuxième à droite se termine en relevant vers la fin du développement sans perdre l'axe, le souffle se fondant dans l'air juste au dessu de la feuile. On peut choisir de garder la symétrie ou on peut préférer un axe décallé vers la gauche.

Le trait vertical à crochet.
Les deux traits verticaux en bas à gauche se termine en déplaçant le pinceau vers la gauche lors de la conclusion, après avoir marqué l'arrêt sans appuyé. Le crochet et plus ou moins long et plus ou moins pointu selon la composition du caractère et l'école de calligraphie.

Le trait de revers.
Le terme est de moi, car il se fait de gauche à droite en remontant, montré en haut à gauche en deux inclinaisons différentes. Faire une attaque claire, et engager le mouvement vers la droite et légèrement vers le haut sans excès. Sa longueur dépendra de la composition du caractère, et il est en princippe suivi d'un enchaînement avec un trait oblique gauche. On peut plus ou moins soutenir l'épaisseur du trait, cela dépend de l'angle du trait qui est enchaîné.

Le trait oblique gauche.
A gauche, au milieu, on applique au mouvement une direction vers la gauche, maintenant l'axe sur la partie haute du trait, sans faire d'arrêt pour la conclusion. Il convient de ne pas céder la pression trop tôt, car il faut maintenir l'épaisseur du trait jusqu'au relâchement final.

Le trait enchaîné à l'angle.
Il faut surtout faire attention de penser et ressentir ce trait en un seul souffle, mais en deux temps : un trait horizontal court, avec un temps d'arrêt bien marqué, et ensuite prendre ce temps d'arrêt comme le départ du deuxième temps. Il existe en deux versions, selon la direction de la deuxième partie, qui elle se réalise comme un trait vertical avec arrêt ou comme un trait oblique gauche.

Le trait oblique à droite.
Selon les écoles, il peut avoir des visages assez différents. En princippe, il suffit de démarrer doucement, et de marquer fortement un arrêt en appuyant sur le pinceau jusqu'au ventre, et relâcher la pression en balayant lentement vers la droite dans une direction plus horizontale et en levant le pinceau. Le début du trait peut être plus ou moins galbé selon les écoles, voire ne pas avoir du tout ce petit coude de départ.

jeudi, janvier 11, 2007

Aube


旦 - l'aube
Un simple trait pour l'horizon, le soleil suspendu dans l'air du matin, le jour se pointe et s'étire vers le haut, dans un lent mais imperturbable mouvement de chaleur. J'ai choisi d'accentuer l'asymétrie en alongeant le trait vertical à droite pour voir l'axe qui conduit l'étoile vers le zénith. Le doux glissement de l'astre est une promesse quotidienne d'avenir quand bien même aurions nous les yeux embués de nuits floues. Ce caractère porte, au delà de la langue, la symbolique du paysage et pourrait servir d'aide mémoire à la culture de la nuit où nous vivons. Oublier le matin, ce serait oublier les lendemains.... alors que quelqu'un nous y attend peut-être.

lundi, janvier 08, 2007

Je ne sais pas


不識 - fushiki
"Je sais que je ne sais pas". Non, Socrate ne fait pas de calligraphie chinoise. Pourtant, à l'autre bout du monde, Lao Zi pensait lui aussi... et leurs pensées se sont rencontrées. Sans me soucier trop de mes souvenirs de philo de lycée, c'est le contraste entre ces deux caractères si différents qui me frappe. La certitude plantée d'une négation qui pose son ombre sur les méandres du caractères du savoir. Nos certitudes nous rendent brouillon, même si ces entrecroisements complexes impressionnent. Cette imposante négation crève l'espace, aussi touchante que terrifiante.

mercredi, janvier 03, 2007

L'envol


飛躍 - hiyaku
L'envol, composé du caractère 飛 voler et 躍 sauter, est le mot choisi pour moi par mon professeur lors de la dernière séance de l'année. Elle a donné à chaque participant au cours un mot qui lui correspond. Ne s'étendant pas sur les raisons de son choix, elle explique soigneusement le sens du mot de chacun. Jamais je ne saurai vraiment ce qu'elle entend par ce mot, je me permets simplement de me l'approprier et d'y voir ce que moi, je veux bien y voir.

En ce début d'année, après trois semaines riches en événements privés, je me sens pousser des ailes et j'ose espérer que dans la calligraphie aussi, je fais suffisemment de progrès pour prétendre à un envol. Je sais bien que je ne dispute pas la vedette aux maîtres calligraphes, mais il serait désespérant de se trouver complètement nul après bientôt trois ans de pratique.