Polyglossie

Calligraphie chinoise et japonaise - Humeurs d'un polyglotte

mardi, août 28, 2007

Papier

kami - papier

Le papier est le quatrième trésor du lettré. C'est aussi, pour le calligraphe, le poste budgétaire le plus important sur le long terme. Le papier pour calligraphie n'a pas vraiment de nom, car c'était le seul papier que connaissaient les Chinois et les Japonais. Il en existe tellement de sortes qu'on ne s'y retrouve pas vraiment. Pour les étudiants, on trouve des papiers cadriés. Il y a parfois neuf cases, parfois quatre avec ou sans traits en biais. Ces repères sont à la fois utiles et handicapants. Cela permet de copier avec plus de précision et de mieux se rendre compte de la composition et des proportions, mais cela empêche de voir le caractère dans sa globalité. C'est comme si le blanc était une composante intégrante du caractère qu'il faut aussi apprendre à maîtriser. Il faut garder ce blanc pour "mettre" le vide au bon endroit. La feuille blanche n'est pas vierge. Elle porte en elle tous les caractères, le tracé noir les révèlent seulement. Le noir dessine le blanc.

lundi, août 27, 2007

Pierre à encre

suzuri - pierre à encre



J'aime ce caractère puissant, posé mais léger, composé sans excès, et dont la composition signifie tout simplement "pierre qui se prononce à peut près comme 見"... Les Chinois de l'antiquité s'y retrouvaient, le lien phonétique est aujourd'hui plus flou. C'est l'histoire de la rencontre de deux éléments qui se frottent l'un contre l'autre et se fondent dans un tout, magnifiqueme et fluide, comme l'encre produit par ces pierres.

mardi, août 21, 2007

Encre

sumi - encre


Dans la pierre à encre dansent les reflets ambrés de l'encre chinois en de douces vaguelettes quand je frotte lentement le bâtonnet sur la pierre. Le liquide s'épaissit, le noir devient plus profond, jusqu'à la parfaite consistance. Luisant, sombre, souple et dense, il est comme la terre brûlée noicie qu'illustre la composition du caractère lui-même. L'encre est une terre, un fondement solide sur lequel on peut compter, et que le blanc autour du caractère et en lui rend complet.

lundi, août 20, 2007

Pinceau

fude - pinceau

Droit dans le creux de la main courbée, le manche en bambou comme un sixième doigt merveilleux, le pinceau devient le prolongement de soi quand il imprime avec une extrème sentibilité les variations de mouvement et de pression sur le papier soyeux. Le caractère représente lui-même une main tenant un pinceau surmontée de la clef du bambou. Le dessiné et le dessinant ne font qu'un. C'est l'accomplissement de l'unité de la forme et du sens aux frontières de l'abstraction figurative.

jeudi, août 02, 2007

Tous différents


各式各樣 - gè shì gè yàng, de toutes sortes, tous différents.
Expression chinoise en quatre caractère d'usage courant, cela n'a rien de vraiment poétique. Et pourtant, je la trouve belle. Un faux air de symétrie, un écho en crescendo sémantique, je retrouve la profondeur de la sagesse populaire sous ces traits simples. Oui, le monde est un chaos où il y a toutes sortes de tout, chacun rencontre son contraire et toutes les nuances de gris entre les deux. Pour une culture à qui on attribue un sens aigu du collectif et l'hypotrophie de l'individualité, voici un beau clin d'oeil venu directement de la langue de la rue.
La forme cursive des caractères varie selon le calligraphe. Le cursif est le domaine de l'expression artistique individuelle. Les recherches esthétiques des aînés ne sont pas vaines, et des modèles se sont imposés au cours des siècles, mais c'est un patrimoine que l'on porte au delà de la simple copie. Je n'ai pas tout à fait copier les 各 fidèlement au modèle. Je me suis laissé porter par le mouvement, en acceptant le résultat comme il vient. Cela ne donne sans doute pas un modèle du genre, mais le trait aura été le reflet de mon souffle le temps d'un instant. Petite audace bien peu téméraire, c'est pourtant le plus important à comprendre dans l'apprentissage de la cursive : c'est le souffle du mouvement, reflet de son énergie intérieure, qu'il faut retrouver en copiant le modèle, pas la position de traits au millimètre près. Car, évidemment, on est tous différents.