Pensées d'une nuit calme
静夜思 李白 Pensées d'une nuit calme de Li Bai.
床前明月光, 疑是地上霜;
举头望明月,低头思故乡。
Les rayons de la lune tapissent le pied de mon lit,
Me faisant croire que le givre est tombé ;
Je lève ma tête pour contempler la brillante lune,
Tête baissée, mes pensées vont à mon pays natal.
Pas évident d'aborder la poésie chinoise. Ces caractères alignés me fascinent pourtant. Je les ai couchés sur le papier, pour voir. Ce n'est pas une calligraphie réellement bonne, mais il fallait absolument que j'apprivoise ces caractères. Faire le lent mouvement pour les tracer trait par trait les a fait miens. Lenteur maladroite, une certaine tenue peut-être, un exercice tout de même. C'est cela qui compte. Depuis des siècles, les moines bouddhistes copient inlassablement des soutras dans une paisible concentration. Moi qui me contente de ces quelques lignes, je prends pour la première fois la mesure de ces patients millénaires laborieux qui nous ont laissé tant de manuscripts.
En fait, en lisant la traduction, ce poème m'a laissé un goût étrange. Une histoire de lune, souvent symbole de la famille en Chine d'après mes sources, la mélancolie d'un pays natal qui m'évoque plus des heures d'étude des poètes romantiques au lycée que ma patrie qui ne me fait plus aucun effet depuis longtemps. Et cependant, j'ai beau ne jamais avoir eu le mal du pays mais son contraire, la nostalgie du départ que les Allemands nomment Fernweh, ces rayons de lune m'appellent. Jamais je ne comprendrai la nostalgie de Li Bai, mais elle anime la mienne, aussi différente soit-elle. L'allemand a les mots pour le dire : le Heimweh de Li Bai est le mirroir de mon Fernweh. Nos nostalgies inversées n'existent pas l'une sans l'autre, elles se suggèrent mutuellement.
Heimweh : la nostalgie de chez soi ;
Fernweh : la nostalige de l'ailleurs.
3 Comments:
Trouver en soi une contrée natale au rythme des signes tracés...
Laisser couler les traits, s'étonner de les voir naître, de cette rencontre
répétée et à chaque fois nouvelle des ténèbres et de la lumière...
Un petit tour sur le Kaïkan te donnera écho du parallèle de notre recherche tout en dévoilant les chemins de contre-allées que j'emprunte, n'hésite pas à laisser une trace de ton passage...
Bonne journée Elie...
Merci beaucoup, ton site est très riche. Je me sens petit à côté, le foisonnement créatif dont tu fais preuve tranche avec le dépouillement de mes exercices. Mon pinceau ne sert à rien d'autre qu'être un pinceau. Mes traces noires donnent au minuscule rectangle de papier un léger relief qui suffit à suggérer toutes les montages de l'univers, mais je n'en gravis aucune. Comme dans un jardin zen à treize pierres que l'on contemple du bord sans jamais y pénétrer, mes quelques traits font du vide autour d'eux, et je m'efface devant leur grandeur.
Tes photographies et tes travaux graphiques ont la luxuriance de ceux qui ont quelque chose à dire. Ta signature est dans le sujet même, ta personne toute entière est dans chaque ombre car ces motifs viennent de toi. Moi, je n'ai rien d'autre que quelques traces noires empruntés à des millénaires de culture lointaine et je disparais devant eux. Malgré l'apparente opposition, cela revient peut-être au même...
Je ne suis pas artiste.
Heureuse de ta visite Elie...
Je pense en fait que notre cheminement est identique...
Que ce soit dans l'humilité patiente de retrouver et tenter de percer ces signes hérités d'une sagesse qui savait encore écouter et lire le silence ou que ce soit dans ma quête, plus colérique, plus tortueuse sans doute mais dont la seule obsession est de tendre au plus près de l'essence du Spirituel au sens large du terme, nous avançons, pas à pas, avec ténacité, découragement, secondes de bonheur...
Je t'avais déjà croisée sur le forum et c'est un réel plaisir que de te retrouver ici...
A très bientôt
Comme ton univers est l'une des destinations à laquelle j'invite les passagers du Kaïkan, je ne manquerai pas de venir te voir...
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