Polyglossie

Calligraphie chinoise et japonaise - Humeurs d'un polyglotte

samedi, décembre 30, 2006

La force du sanglier


Qu'est ce que la force en calligraphie ? Visiblement, je ne le sais pas plus que vous puisque mon professeur me répète chaque semaine de mettre plus de force dans mon trait. L'être simple et logique que je suis en a conclu que je dois être trop mou. Que nenni - ça m'apprendra à jouer au plus malin avec une maître calligraphe. Le contraire de la force, c'est la fameuse obéissance qui la fait sourire depuis qu'elle me connait. Les années passées à sagement apprendre les techniques de base me permettent maintenant de penser un peu moins à ce que je fais et un peu plus à comment le faire. Chaque séance de calligraphie commence par un exercice en régulière histoire de ne pas perdre la main, mais sans trop trainer. En début de semestre, on enchainait sur de la courante, mais depuis quelques temps, elle nous propose des tracés nettement plus cursifs, sans extrème. C'est l'occasion pour moi de montrer ma force, ce qui s'accompagne de quelques sourires compréhensifs et de bonnes surprises occasionnelles.

猪 - inoshishi.
L'année chinoise 2007 étant sous le signe du sanglier (ce qui donne en général année du cochon en français), l'occasion de montrer la force sauvage et maîtrisée du pinceau était toute trouvée. Il n'y avait plus qu'à se mettre au travail. Il m'a fallu deux semaines pour comprendre que le résultat est nettement plus intéressant quand on a vraiment intégré le mouvement technique et que l'on ne pense qu'à l'émotion à l'instant de tracer. La tension entre les mouvements suggérés et les traits, les liaisons légères et les épaisseurs bien enracinées dans le sol, les rondeurs aériennes et le rythme du mouvement, afin de voir la rapidité sauvage comme la lenteur intense du trait.



泰津 - transcription libre de mon nom.
Cette liberté de trait que je gagne lentement me donne des ailes. Certains caractères sont de vieux amis que je connais intimement et me permettent de jouer avec eux. Je leur demande où est leur force, je me demande où est la mienne, et de ce dialogue nait une intuition. Sans savoir vraiment comment, le trait prend de l'envol, il a l'air de savoir où il va et c'est moi qui le suit. Pourtant, je sens que ce trait vient de moi. Le résultat est ce qu'il est, mais au moins, c'est de moi. Une courbe hésitante à gauche, un trait central bien planté, un enchaînement fougueux sous une combinaison élonguée, voila ce qui est venu de moi.