Polyglossie

Calligraphie chinoise et japonaise - Humeurs d'un polyglotte

dimanche, février 04, 2007

Lune


月- tsuki, la lune
Dans la poésie chinoise comme dans les contes japonais, la lune est un personnage à part entière qui éclaire et rappelle le souvenir. Elle est aussi un redoutable exercice de calligraphie. Le débutant découvre assez rapidement que les caractères les plus délicats à tracer ne sont pas forcément les plus complexes à l'oeil. Lorsqu'on a que trois ou quatre traits à répartir dans l'espace blanc du papier, il faut faire preuve de beaucoup de tact pour parvenir à une harmonie équilibrée et dynamique. C'est ainsi que cette semaine, notre exercice de composition cursive se résume à ce petit caractère d'une grande présence malgré son nombre modeste de traits.


Les formes cursives sont très variées, et le modèle donné par mon professeur est très fin, élancé, vif et bien droit dans l'espace. Je trouve cette idée de composition très belle. C'est un peu comme si l'on transposait dans les traits la douceur de la lumière lunaire sans en enlever sa puissance. Le tracé est assez rapide, le touché du pinceau très aérien et les deux traits finaux posés tout en douceur. La première image montre un tracé plutôt sec, car j'avais l'intention de mettre surtout la douceur de la lumière lunaire et le mystère de cet astre en avant. Dans la deuxième image, le trait est plus encré, le trait de gauche fort dans un mouvement puissant, ce qui accentue la présence pénétrante du caractère sur la feuille comme la lune dans un ciel clair. Ces deux réalisations semblent sans doute pratiquement identiques aux yeux qui manquent d'entrainement, mais pour moi, ils sont le reflets de deux moments de calligraphie très différents. Grâce à ce genre d'exercice artistique, je deviens plus conscient de cette finesse et de ce rafinement. L'apprentissage est long, lent, mais régulier. Aussi petit soit le pas, c'est toujours un pas en avant sur le chemin.

A titre de comparaison, le caractère 月en régulière. Il est simple, droit, légèrement asymétrique, tourné de trois-quart comme pour un portrait moderne. Il existe de nombreux modèles un peu différents et je mélange les styles de mes deux professeurs pour arriver à ce résultat-là. J'ai gardé l'angle fort et protubérant de l'école kampô, mais en reprenant l'attaque souple directe de mon professeur actuel. Les petits traits du milieu sont assez haut, comme l'a fait la prof lors de la scéance, mais j'ai gardé la légère différence de réalisation que j'avais appris à Amsterdam lors de mes premiers cours. Visiblement, même techniquement, j'évolue, je me forme, j'apprends.