Composition
Sous le pied de la lampe, il fait sombre. Un vrai proverbe chinois, pas une parodie... sans doute pour dire que le plus intelligent des hommes n'est jamais assez intelligent pour ne pas être ignorant sur certaines choses. Bref, on n'est jamais aussi sage ni aussi intelligent qu'on le croit. J'ajouterais tout de même qu'un sage qui éclaire son chemin s'accomode très bien de l'ombre sous ses pieds pour avancer... la morale de l'histoire est à mon avis autant de ne pas se faire plus bête qu'on est non plus.
Mais si j'ai repris mon papier chinois à petits carreaux, c'est pour travailler la composition. Mot récurent quand on pratique la calligraphie, car on entend les professeurs le répéter tout le temps sans comprendre où ils veulent en venir pendant des mois, jusqu'à vivre une sorte de révélation. Le débutant se concentre sur le trait, pour le faire bien droit, bien régulier, avec la bonne épaisseur, la bonne attaque, le bon stop. Et puis le "plus tout à fait débutant" se rend compte que les traits qu'il s'applique si patienmment à tracer ne sont pas isolés, ils se combinent pour faire des caractères. Cela est facile à comprendre intellectuellement, mais avec un pinceau dans les mains, c'est plusdifficile qu'il n'y paraît. Il faut aussi apprendre à tracer des élements à la bonne taille, bien placés les uns par rapport aux autres, afin d'obtenir un caractère équilibré. Le fameux équilibre. En anglais international, les admirateurs de calligraphie répètent à longueur d'expositions dans les galleries : "good balance!, good balance!". Si un Japonais qui scrute vos essais de calligraphie s'esclame des compliements exagérés, il est juste poli. Si par contre il dit la formule magique "good balance!", alors là, vous savez que vous ne faites pas que du n'importe quoi.
Les règles ont l'air simples, mais c'est comme tout, la pratique se révèle plus compliquée. Le principe général est d'éviter toute symétrie parfaite. Si Versailles était une calligraphie, elle serait très moche. Pas facile à avaler pour un Français... A partir de là, il faut savoir identifier quel élément doit être plus petit que son voisin dans un caractère. En général, l'élément de gauche est plus petit que celui de droite, comme le premier caractère (en haute à droite). Celui du dessus est plus petit que celui du bas, comme le 是, sauf si on peut faire une forme générale en losange, comme le台. Un caractère à peu de traits ne doit pas être trop maigre en comparaison des caratères plus complexes qui l'entourent, comme le下. Les traits à l'intérieur d'autres traits sont plus fins que les traits de l'extérieur, comme le面. Une forme générale plus large en bas et un mouvement vers la droite est considéré comme plus harmonieux, comme le 黒. J'essaie d'intérioriser ces principes, et cet essai n'est surement pas à considérer comme un modèle, c'est au mieux une illustration de mes essais de penser la composition pour que mes exercices futurs ne soient pas simplement de jolis traits, mais de belles formes. Il va falloir encore du temps avant de faire des calligraphies bien composées, mais au moins, j'ai pris conscience de cette question, c'est déjà ça.
5 Comments:
Je suis un peu fatigué de cette "supériorité" des "Asiatiques" sur nous, pauves Occidentaux: nous n'avons plus rien compris depuis Descartes.
Je n'ai jamais dit que Versailles était moche, puisque Versailles n'est pas une calligraphie. L'esthétique occidental n'est pas monolythique, et il a un succès certain en Asie aussi, sous ses divers aspects. Il s'agit d'un échange, pas de mesurer une culture face à une autre. Rien n'empêche d'admirer des esthétiques différentes.
Elie, je pense que tu as compris...
J'ai un ami, thérapeute, qui a rencontré des sages "orientaux" ( au sens large du terme): vous devez d'abord vous reincarner en "Indiens" et puis, peut-être vous pourrez saisir l'essence de la sagesse...
J'adore l'Asie, mais je n'ai pas envie de jetter 20 siècles de sagesse occidentale.
Personne ne détient la Vérité... tout cela n'est qu'un jeu...
Dis comme ça, je t'applaudis des deux mains. Pardon d'avoir été mou du cerveau. Je n'apprécie pas l'idolâtrie, que ce soit les starlettes hollywoodisantes ou les apprentis gourou qui se prennent pour des pierres philosophales bipèdes après avoir fait un ou deux voyages en orient. J'ai rencontré quelques spécimens d'une incroyable arrogance dans les milieux bouddhistes occidentaux, qui te parlent comme à une merde de coccinelle parce que toi, tu n'as pas été le soi-disant disciple d'un quelconque sage dans un obscure temple du fin fonds du Japon...
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