Polyglossie

Calligraphie chinoise et japonaise - Humeurs d'un polyglotte

mercredi, décembre 17, 2008

Voeux de longévité

寿 kotobuki - Éternité

En cette veille de fêtes de fin d'année, la tradition chinoise, les habitudes japonaises et mon quotidien suisse se rejoignent pour vous souhaitez à tous une longue et sereine vie. Calligraphier 寿 en cette fin d'année est un moment de souvenir pour ceux qui m'accompagnent, à mes côté ou de loin, avec qui je me contenterai d'une petite éternité.

lundi, décembre 15, 2008

Beauté

天衣無縫 ten.i muhô - Les habits du ciel n'ont pas de broderie

Beauté de la nature, cliché de tout discours sur le Japon en général. L'idée est toute simple : l'homme peut coudre et broder tout ce qu'il veut, la beauté précède sa main. Admirer l'art de l'ornementation n'a rien de honteux, mais l'esthétique pure prend sa source dans une nature qui se passe très bien du perfectionisme technique de l'homme. Ce que j'en retiens, c'est surtout que l'intervention de la main de l'homme est inutile, et que tout acte de création humaine est ainsi un esthétisme gratuit, sans autre finalité que la modestie de la création. L'homme n'est pas indispensable. Le monde est très bien sans lui. Il est même beau sans lui. Le calligraphe procède alors de la réconsiliation entre le signe et le représenté. L'écriture est un artifice humain, l'art de la calligraphie s'attache à rendre au signe la nature du représenté. Le calligraphe ne crée pas de la beauté humainement, il rend de la beauté naturellement.

vendredi, décembre 12, 2008

Lumière noire


akari, míng - lumineux
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La profondeur du noir est la force de la lumière, la brillance de l'encre la rend sur le papier dont la blancheur mat disperse la luminosité. Le noir, au contraire, concentre la couleur de toutes les couleurs. Je m'y suis essayé. Les Maîtres sont bokujin, dont je donne un petit aperçu sur Forumjapon:

jeudi, décembre 11, 2008

Source

minamoto/gen, yuán - source, origine

Une falaise, de l'eau qui jaillit et s'en écoule, avec la clef de l'eau, comme si une source des falaises d'Etretat sur les bords de la Manche était le berceau de ce caractère pourtant né à l'autre bout du monde. Une source courant sur les rochers : l'origine, c'est partout dans le monde. J'aime ce paysage-oxymore.

mardi, décembre 09, 2008

Compassion


慈眼視衆生
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Pour la calligraphie jikan shi shujô, du chinois cí yǎn shì zhòng shēng , en japonais jikan ha shujô wo miru - L'oeil compatissant sait voir les êtres.

Aussi maladroite la traduction directe soit-elle, elle permet de saisir le parallèle : La compassion dans le regard permet de voir les êtres tels qu'ils sont réellement, au delà des apparences et en percevant la nature profonde de l'humain. Ce regard, sans doute bouddhiste, est aussi celui du prof qui ne s'arrête pas à l'arrogance mal élevée d'élèves paresseux. Je vois tous les jours des jeunes moyennement sympathiques. Je n'ai pourtant jamais eu envie de leur mettre une claque, de partir en claquant la porte ou simplement maquiller ma lassitude d'un cynisme éloquent. Je leur dis parfois des vérités qui ne leur plaisent pas, mais je veux trouver à chaque fois ce petit quelque chose qui fait d'un être un être vrai. Ce n'est pas une compassion mystique, c'est du pratique, à la portée de tous. Plus de compassion, moins de pitié. Pensez-y.

lundi, décembre 08, 2008

Milieu

chû, zhōng - milieu
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Quel est ce rectangle tranché par le centre ? Quelle est ce poignard planté au milieu ? Où est donc ce pays suspendu dans un océan de papier blanc...?

dimanche, décembre 07, 2008

Phénix

hô, fèng - Phénix
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L'oiseau mytique se retrouve, en apparance, dans les cultures orientales et occidentales. En fait, ça n'a rien à voir. Le phénix grec est l'oiseau unique, qui meurt dans les flammes et qui renait de ses propres cendres. Cet oiseau représente l'éternité et le cycle de la vie. En Chine, aussi bouddhistocompatible soit cette idée, il représente l'Empereur. Calligraphier 鳳, c'est affirmer sa loyauté à l'autorité impériale, faire preuve de haute valeur morale et se reconnaitre dans l'ordre social de Confucius.
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L'étymologie populaire donne "oiseau du vent". En réalité, le radical du vent 几 est phonétique. C'est pourtant aussi l'image du vent qui donne à l'oiseau sa force et son pouvoir. L'infini du vide, la force du souffle et l'insaisissable vol dans les sphères mystiques font du phénix un oiseau de l'éternité. La réinterprétation a posteriori des étymologies de caractères est fréquente, et devient l'instrument de l'enseignement de la philosophie mystique populaire.





Le caractère en régulière à titre de comparaison :

samedi, décembre 06, 2008

Tenchi


天地 tenchi - ciel et terre, le monde
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Ces derniers mois de travail silencieux m'ont amené à réfléchir sur la nature même de l'acte de calligraphie. Prendre un pinceau et recopier une forme noire sur fond blanc, quand c'est dit comme cela, se réduit à une activité stupide, mécanique et vide de sens. Seulement voila, en calligraphie, on ne recopie rien du tout.
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Les modèles du professeur n'ont pas pour fonction de sevir de calques. Il est d'ailleurs idiot de se donner la peine de retracer à vue ce que l'on prétendrait dupliquer, il suffirait de mettre le modèdes sous plastique en dessous la feuille, car le papier est assez fin pour voir le modèle par transparence en dessous. Quand bien même s'amuserait-on à se subterfuge, le résultat ne serait en rien la recréation du modèle. Avec le pinceau, tout se voit. Il faut comprendre que la calligraphie est avant tout un moment de vérité.
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La simple comparaison de modèles des professeurs montre que eux non plus ne tracent pas exactement la même chose à chaque fois, contrairement aux fontes informatiques, aussi calligraphocompatibles soient-elles. L'élève n'a donc aucune raison de faire ce que le professeur ne fait pas non plus. Personne n'a pour ambition de devenir une photocopieuse à pinceau. En regardant les modèles de ma professeure, je vois non pas la forme de ses traits, mais l'esprit de ses tracés. Ce n'est pas "fait ce que je fais" mais "fais comme je fais". Le Maître a trouvé son style, à moi de chercher le mien. Elle cherche encore, moi aussi. Il faut comprendre que la calligraphie est ensuite un processus de recherche intérieure.
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La pratique régulière de la calligraphie se révèle ardue dans le sens où on est confronté cent fois à l'échec avant de vivre un instant de satisfaction. C'est un investissement en temps, en énergie, en motivation, en concentration, en papier, en obstination, en méditation et en modestie. Incomparable sacrifice dans une petite vie citadine moderne. Il faut comprendre que la calligraphie est aussi faite de poubelles bien pleines.
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Chacun à son niveau, cependant, la réussite est à la hauteur de la pratique. Dans un cours où la professeure a accepté des élèves de niveaux différents au cours des années, les progrès de chacun sont des couronnes sur mesure. Une fois seul, c'est à moi de retrouver ce moment où l'exercice devient accomplissement. Etrangement, cela n'a vraiment d'intérêt que pour moi, car je suis le seul à me rendre compte de ce qui différencie les exercices que je présente ici des autres. Mais sur la durée, il me semble qu'un lecteur régulier saura reconnaitre mon chemin. C'est là l'intérêt d'un parcours public au fil des ans. Il faut comprendre que la calligraphie est finalement à la fois le but et le moyen d'un chemin unique.
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Ce que je vous présente sur ce blog, ce n'est pas une version noire de mes modèles rouges. C'est la création comme j'en suis capable à un moment donné. C'est unique, daté et infini. Les Japonais disent qu'on lit le coeur du calligraphe dans ses calligraphies. En regardant le ciel et la terre, je trace 天 ciel et 地 terre avec mon ciel et ma terre. Ce composé, à deux éléments complémentaires, reflète la complétude de l'infini, dehors comme dedans, naturel comme humain : le chemin de la calligraphie.

jeudi, décembre 04, 2008

Tisserand

縫工 hôkô - Tisserand

Le tisserand jour après jour remet son travail sur le métier. Malgré les apparences, je n'ai pas mis la calligraphie de côté depuis ma dernière publication sur ce blog. Entre les formats plus longs impossibles à scanner et une certaine insatisfaction à me rendre compte de mes piètres exercices passés, ma façon de progresser a été de prendre un peu de recul. Sans vraiment me rendre compte du temps qui passe, les cours et les soirées d'exercices n'ont jamais cessé. Maintenant, je pense de nouveau avoir quelque chose à vous montrer. Alors me revoila.

Le tisserand n'a pas de symbole particulier ni en Chine ni au Japon, mais on retrouve le verbe dans les textes pour décrire le patient travail qu'est la vie. Ces deux caractères forment un couple improbable d'un déséquilibre subtile, car tisser notre petit tapis de la vie, c'est aussi composer avec le vide et le plein, le trop et le pas assez, le plus et le moins. J'aime le mot sur le papier car il me rappelle que tout est toujours à faire, dans la continuité, que rien ne se perd. Alors je tisse. Au pinceau.