Polyglossie

Calligraphie chinoise et japonaise - Humeurs d'un polyglotte

jeudi, mars 20, 2008

La voie juste


大中至正 dàzhōng zhìzhēng
La voie du milieu, suprèmement juste
.
Une question sur un forum m'a permis de découvrir cette maxime. Issue d'anciens textes de Ming, cette formule était la devise de Tchang Kai Chek, ce qui en fait une question politique, malheureusement, ai-je envie de dire. Il s'agit en fait simplement de la voie du milieu, la voie juste, pour les gouvernants comme pour le peuple, celle qui garantit l'ordre du monde et la paix sociale. Je n'ai pas de jugement politique à donner, mais j'y vois avant tout un principe éthique pour guider l'action, pas un programme électoral. Quand bien même un personnage historique aussi controversé de l'histoire tumultueuse chinoise y attache son nom, les Ming nous rappellent du fond des âges qu'aucun homme n'est propriétaire de la philosophie. J'aime cette maxime profonde, comme bien d'autre l'auront aimé avant la guerre civile chinoise. La calligraphier n'est pas un acte politique mais un moment éthique personnel.

mercredi, mars 19, 2008

Temple

tera, sì - temple bouddhique

Une petite image sur papier quadrié juste pour illustrer un principe fondamental : la composition. Visuellement, assurer un certain équilibre à l'ensemble s'avère assez compliqué car dans chaque style, les accents et les éléments graphiques forts ne sont pas forcément les mêmes. En régulière, les traits horizontaux longs du milieu structurent le caractère, il faut donc qu'ils soient assez au centre. L'élément du bas étant par nature plus long de forme, c'est le blanc le centre de gravité. En sigillaire, le graphisme est totalement différent. La "fourche", en fait représentant une main, se trouve au centre, avec un élément au dessus et un trait au dessous. C'est donc cette main qui forme le point central autour duquel le caractère s'articule. Aussi, la forme générale en régulière est un losange, alors qu'en sigillaire, on est plus proche du rectangle (surtout que le trait verticale long lié à la main peut aussi se faire plus court afin de garder une forme générale carrée).

mardi, mars 18, 2008

Mot

ji, zì - mot, caractère


Voila ce à quoi je consacre mon temps libre : 字 - à traduire au choix par mot, caractère, sinogramme, écriture ou autre chose. Un hasard historico-graphico-phonétique a mis un enfant 子 sous un toit 宀 comme si l'enfant de la maison chinoise était ses mots écrits. J'aime cette coïncidence étymologique car, même si la présence de cet enfant s'explique plus par une allusion homonymique, elle inscrit le "mot pour les mots" dans la continuité des générations. Cela signifie cependant aussi que la transmission ne se fait pas toute seule...


A titre de compaision, en régulière :

lundi, mars 17, 2008

Ombre et lumière

暗光 ankô, àn guāng - Ombre et lumière

Les deux contraires, en sigillaire, ne s'opposent pas mais se répondent. La calligraphie se résume à une trace noire et un espace blanc. La formule consacrée est en fait plutôt 明暗 mais comme 暗 signifie aussi caché, en cachette, il me semble que 光, rayonnement lumineux, gloire, lui répond bien aussi. C'était en fait le point de départ de ma recherche. Le sigillaire montre un homme 人portant le feu 火, qui est aussi le feu de la connaissance. C'est aussi à ce sens que répond 暗 qui peut signifier ignorant, formé du phonétique 音 (bruit, représentant la parole) et la lumière du soleil 日 qui relie au champs sémantique. Voila le sens que je souhaite donner à cette exercice : l'ignorance et la connaissance, comme ombre et lumière.
A titre de comparaison, la version en courante :

lundi, mars 10, 2008

Cultivons

心耕 shinkô - cultiver son esprit

Les moines bouddhistes cultivent. Les légumes, les fleurs, parfois les mousses ou les pierres. Pourquoi cultiver l'extérieur quand un moine doit se tourner vers l'intérieur ? Je ne saurais donner de réponse définitive, mais quel sens aurait la pratique du bouddhisme si ce n'est de tendre à un développement spirituel et humain personnel ? Je ne peux m'empêcher de penser à Voltaire, qui voulait cultiver son jardin. De ce côté du monde où aux antipodes orientales, la même pensée se cristalise dans cette métaphore. Alors... cultivons. Même par la calligraphie.

dimanche, mars 09, 2008

La Voie


dô, dao - la voie, l'enseignement

Pris seul, ce caractère signifie taoïsme en chinois. Mais il désigne toute voie de développement personnel, artistique et spirituel. Il est omniprésent dans les arts martiaux, et entre aussi dans la composition de 書道, shodô, "calligraphie" en japonais. Cette voie de l'écriture m'use les souliers depuis quatre ans. C'est court d'un point de vue artistique, mais c'est déjà long sur un plan personnel. Je comprends d'ailleurs ce dao comme une marche personnelle, pas un magasin d'idées prêtes à porter. La calligraphie n'est pas dogmatique, on ne peut pas en dire autant de certaines autres "voies", sportives ou mystiques. Je me méfie des gourous qui se donnent des noms japonais, même sous le masque de l'esprit sain dans un corps sain. Ma voie de l'écriture, c'est moi. Rien de plus, mais c'est déjà beaucoup de travail.

mardi, mars 04, 2008

Ligature



天下太平
Sous le ciel, grand silence. Paix dans le monde.
En cursive, il faut tracer d'un jet. Souvent, la liaison enre les caractères est invisible, simplement suggérée par la direction des pointes. Mais il se peut que le calligraphe laisse trainer juste assez le pinceau pour que le trait s'inscrive sur le papier et que le trait de liaison soit mis en évidence. Parfois, on peut même tout tracer d'un seul trait. Comme un torrent des montagnes.

lundi, mars 03, 2008

Paix


天下太平 tenka taihei, tiān xià tài píng - Paix dans le monde

Après ma première expérience de silligaire la semaine dernière, j'ai décidé de faire quelques essais. Cette expression, courante aussi bien en chinois qu'en japonais, a la particularité de combiner des caractères pas trop chargés et très courants.
A part le trait vertical tordu de 下, je ne me suis pas mal débrouillé pour la forme générale. Le trait doit être régulier comme un burin qui taille la pierre, les extrémités rondes et régulières, le tout mettant bien en évidence le caractère figuratif de ce graphisme. C'est un début, j'avoue y prendre plus de plaisir que je n'aurait cru.

dimanche, mars 02, 2008

Sérénité

shizuka, jìng - sérénité, calme, silence

A la fin de la séance de calligraphie, il me restait un peu d'encre dans le creux de la pierre. Un peu sec, mais suffisamment pour charger le pinceau. Après près de deux heures d'exercices et d'essais plus ou moins réussis, une calme énergie m'avait envahi, comme un doux équilibre intérieur. Sans réfléchir, je prends une dernière feuille, sans même me rendre compte que je la pose avec le côté plus rugueux de l'envers sur le feutre. Le seul caractère auquel je pensai en cet instant fut 静. Lentement, sans accroc, dans un geste silencieux, toute la sérénité dont j'étais capable en l'instant donna ce tracé. Ce fut si fluide, si doux, presque tendre. Le tracé cursif supprime quelques traits pour ne pas intérompre le mouvement. Ce fut un moment de grande unité.

samedi, mars 01, 2008

Signature


Pour signer une calligraphie, il y a deux écoles. On peut soit écrire son nom avec des caractères un peu plus grands que le sceau, soit des caractères aussi grands que ceux du sceau. Une signature est en général en courante ou en cursive, et on y ajoute souvent la date, un titre, voire les deux noms de l'artiste : son nom civil et son pseudonyme de Maître calligraphe.

Depuis plus d'un an, je ne signais mes feuillets qu'avec mon sceau. Comme celui-ci représente à la fois mon nom chinois et une forme proche en japonais, je trouvais cela suffisant. Mais lors de la séance du nouvel an chinois, nous faisons chaque année des grands formats. Et cette année, notre professeure nous a tracé notre prénom en kanji. Depuis, je m'essaie à une signature plus complète.